Anne-Sophie Nogaret

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L'islam des lumières : "spiritualité" ou projet politique ?

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Abdennour Bidar et l'arnaque de l'islam des lumières.

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juin 09, 2024
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L'islam des lumières : "spiritualité" ou projet politique ?
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Bourgeois, éduqué, a priori sécularisé : tel est le public-cible visé par Abdennour Bidar. Son discours séduit en effet nombre de laïques, éblouis par la promesse d’un islam des lumières en devenir. Lequel leur permettra, croient-ils, de neutraliser l’islamisme tout en les dispensant d’un conflit avec l’islam. Les braves gens. Ils ignorent, visiblement, que la tentative d’une lecture rationaliste des textes de l’islam (mutazilisme) n’a pas duré et qu’elle s’est mal terminée, éradiquée au profit du rigorisme qui prévaut jusqu’à ce jour. Lire à ce propos l’analyse de Razika Adnani, islamologue et philosophe.

Lumières ou lumière d’Allah ? On ne sait pas.

Ils passent outre, également, le fait que l’inscription artificielle de l’islam dans un référentiel occidental reprend, de façon subreptice certes, mais non moins effective, le motif très islamique de la lumière en tant qu’essence d’Allah1… Selon le 35ème verset de la 24ème sourate (la sourate An-Nour, la lumière en arabe) en effet, “Allah est la Lumière des cieux et de la terre. (…) Allah guide vers Sa lumière qui Il veut.”
Le soi disant islam des lumières ne se réfère donc pas nécessairement à la raison, comme le croient spontanément les Occidentaux, mais possiblement, aussi, à la luminescence divine, dont dépend entièrement le destin de chacune de ses créatures : nous avons ici affaire à une escroquerie sémantique, qui joue sans le dire sur deux acceptions contradictoires de la locution : autonomie de la raison contre soumission de la créature d’Allah à son créateur.
L’islam des lumières est bel et bien une baudruche créée par les Frères musulmans, ces pros du mimétisme, en vue de masquer la réalité de l’islam au profit d’une apparence éminemment fallacieuse, mais permettant d’exiger postes, financements et respectabilité. Politiques et médias, toujours prompts à se laisser manipuler dès qu’il s’agit d’islam, se sont d’ailleurs empressés de légitimer l’imposture : jusqu’à Macron, qui après la décapitation de Samuel Paty, a repris l’expression, faisant au passage de l’islam des lumières une création française… Certes.
Petit indice supplémentaire de la duperie à l’œuvre : la création par Ghaleb Bencheikh, sous l’égide de la Fondation de l’islam de France qu’il préside, du “campus numérique Lumières d’islam”, où s’expriment des Frères musulmans comme Jamel El Hamri. Ultime foutage de gueule dans la pure tradition frériste, Bencheikh a placé son “campus” sous l’égide de la devise “Sapere aude” empruntée à Kant, philosophe emblématique du siècle et de l’esprit des Lumières…

N’aie pas peur, aie confiance…

Mais revenons à Bidar, un des principaux VRP de l’arnaque lumineuse. Le 28 août 2016, il publie dans Libération une tribune intitulée Faites confiance à “l’islam des Lumières !” s’exprimant en filigrane contre la nomination de Chevènement à la tête de la Fondation de l’islam de France, insistant sur la nécessité qu’un Français musulman, “hérault d’un islam régénéré”, occupe le poste. En voilà quelques extraits, commentés par mézigue. 

“Les musulmans de France sont en mal d’identification, et ils ont besoin d’incarnation. Ce qui leur a fait défaut jusqu’ici, ce sont des personnalités et des institutions capables de donner de la culture musulmane une «grande image» fédératrice - l’image rayonnante de parcours de vie et de prises de position publiques qui expriment tout autant les héritages humanistes de l’islam que l’inscription plénière et sans réserve dans la République et ses valeurs.”

Bidar part d’un présupposé en forme d’axiome : les musulmans en France souffriraient a priori d’un déficit de modèle identitaire. Pour quelle raison ? Il ne le dit pas. Nous pourrions apporter à sa place quelques éléments de réponse : l’exigence sans partage possible d’appartenance à l’oumma, impératif catégorique intrinsèque à l’islam, l’absence de liberté de conscience et d’individuation en islam, l’abandon du modèle assimilationniste qui a entraîné un repli sur la culture d’origine, le rappel obsessionnel de l’histoire coloniale etc. Mais là n’est en réalité pas la question. Car cette affirmation, du fait même de son caractère axiomatique, est performative : dès lors qu’aucun argument n’est avancé pour justifier le propos, énoncer comme une évidence que l’absence de modèle identificatoire est intrinsèque à l’identité du musulman vivant en France n’est rien d’autre qu’une façon de créer celle-ci.

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